Auguste Vestris


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Inauguration de la plaque en honneur de Mathilde Kchessinska
14 décembre 2019

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Posée par la Société Auguste Vestris

Au nom de ses disciples Therrell Smith
et Beryl Morina

au 6 avenue Vion-Whitcomb, Paris 75016

Initiative parrainée par Jean-Guillaume BART, Gil ISOART et Mélanie HUREL et Marie-Josée REDONT de l’Opéra national de Paris

en présence d’Elisabeth PLATEL, Directrice de l’Ecole de Danse de l’Opéra National de Paris et d’ Anne-Marie SANDRINI, ancien Inspecteur des Conservatoires de la Ville de Paris

Invités d’honneur :

Prof. Gilbert MAYER de l’Opéra national de Paris ;
Le Centre de Russie pour la science et la culture à Paris ;
Thierry MARTIN, maire adjoint du XVIe arrondissement et
Serena et Rachel MORINA-HEVESI, filles de Beryl Morina.

Discours de Jean-Guillaume Bart, étoile de l’Opéra national de Paris

Issue d’une famille de danseurs d’origine polonaise (son père Félix - danseur de caractère, son frère Joseph, sa sœur ainée Julia), Mathilde Kchessinska fait partie de cette vague de grands pédagogues russes qui quittent leur pays natal en 1917, chassés par la Révolution bolchévique/

D’autres grandes personnalités telles qu’Olga Preobrajenska (1871-1962), Liubov Egorova (1880-1972), Vera Trefilova (1880-1972), Alexandre Volinine (1882-1955) qui vient lui de Moscou, choisiront également l’exil pour finalement s’installer à Paris. Elles y ouvrent alors leur propre école privée dans les années 1920, situées pour la plupart dans le 9e arrondissement. Bien que souvent vétustes (comme les studios Waecker) ces écoles deviendront légendaires. Mathilde Kchessinska, quant à elle commencera à enseigner en 1929, en donnant ses cours dans un bel immeuble du 16e arrondissement où elle réside également ; n’oublions pas qu’elle est Princesse Romanovska-Krassinska.

Issus du Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg ou du Bolchoï de Moscou) ces grands noms de la danse ont tous reçu des formations d’une qualité technique et artistique exceptionnelle.

Mathilde Kchessinska commence ses premiers pas sous l’œil bienveillant de Lev Ivanov, le célèbre chorégraphe des actes blancs du « Lac des Cygnes », puis reçoit l’enseignement rigoureux d’Ekaterina Vazem, forte personnalité russe, égérie de Marius Petipa, restée célèbre pour avoir créé le rôle principale dans « la Bayadère » (1877). Elle rentre ensuite dans la classe de Christian Johansson, dont l’enseignement émérite marquera de nombreuses générations et dont les enchainements inspireront Marius Petipa pour ses propres ballets. De nationalité suédoise, partenaire de la Taglioni dans les années 1830-40, il fit sa carrière à Saint-Pétersbourg mais reçut une formation de style purement « français » et notamment d’August Bournonville lui-même.

Ce n’est qu’à partir de 1890, date à laquelle elle entre dans la troupe (l’année même où elle créée le rôle du Petit Chaperon rouge dans le 3e acte de « la Belle au bois dormant », avant d’interpréter le rôle principal 3 ans plus tard) que Kchessinska travaillera avec Enrico Cecchetti. Ce danseur virtuose et pédagogue venu d’Italie, autre berceau de la danse classique, va parfaire la technique des danseurs russes en leur enseignant la virtuosité italienne, jusque-là apanage des ballerines italiennes invitées qui tiennent le devant de la scène dans les ballets de Marius Petipa. Mathilde Kchessinska mettra un point d’honneur à maitriser parfaitement cette technique (et notamment les fameux 32 fouettés) pour exiger par la suite qu’on n’invite plus de danseuses italiennes après 1901 (date où elle obtient le titre honorifique de Prima Ballerina Assoluta), argumentant que les Russes étaient à même d’accomplir les mêmes prodiges techniques que les Italiennes.

De plus, ces générations aguerris au style « Petipa » ont l’opportunité de travailler avec le jeune et talentueux chorégraphe Mikhaïl Fokine, lui-même issu de l’Ecole Impériale et fortement marqué par la liberté de la danse d’Isadora Duncan. Ils interprètent ses premières pièces et participent pour la plupart aux premières saisons des Ballets russes de Diaghilev.

Vivant l’âge d’or de « l’ère Petipa », ces artistes exceptionnels en activité dans les années 1890-1900 se produisent dans des ballets devenus mythiques, à une époque où le Ballet de l’Opéra de Paris connaît une période durable de décadence. Les créations chorégraphiques sont devenues rares depuis 1865 ; le danseur masculin a quasiment disparu de la scène, pour laisser place à des femmes en travesti. Après avoir inondé l’Europe au XVIIIe siècle de ses maitres à danser de renom, exportant son style recherché, alliant noblesse et élégance (tout particulièrement à Saint-Pétersbourg et à Moscou), la Danse française s’essouffle à la fin de ce XIXe siècle, si riche en créations chorégraphiques en Russie.

C’est donc fort d’un savoir prestigieux et inestimable que des émigrés russes fondent sur la capitale française et attirent de nombreux danseurs, qui viennent de l’Opéra, ou bien simplement de passage à Paris. Fuyant leur terre natale où le régime bolchévique confie à Agrippina Vaganova la création d’une « nouvelle école soviétique », ces maîtres insufflent aux jeunes danseurs, curieux de découvrir l’héritage du Ballet Impérial de Marius Petipa, mais aussi des premières heures des Ballets russes de Diaghilev, un style qui mêle école française, virtuosité italienne et âme slave, que l’on nommera communément le « style académique ».

La plupart de ces émigrés ont enseigné pendant plusieurs décennies, par passion autant que pour subvenir à leurs besoins, cultivant une soif de transmission d’une école et d’un style disparus à jamais. L’école russe d’aujourd’hui, n’en déplaise à certains, n’a rien à voir avec celle de ces maîtres en exil issus d’une longue tradition française indirecte. Il suffit de voir les clichés de la fin du XIXe siècle et les récentes reconstitutions des grands ballets de Petipa pour en être convaincu.

Nous ne pouvons citer ici que quelques artistes devenus célèbres, parmi tous ceux qui choisirent de se perfectionner auprès de ces grands émigrés : Serge Lifar, André Eglevsky, Boris Kniaseff, Margot Fonteyn, Yvette Chauviré, Pierre Lacotte, Ethery Pagava, Nina Vyroubova, Maurice Béjart, Roland Petit, Igor Youskevitch, Georges Skibine, Tamara Toumanova, et bien d’autres…

En ces heures troubles, où la danse classique semble devenue une discipline hybride, où seule la performance semble être récompensée et saluée, où le rapport élève-professeur connaît un inquiétant bouleversement, il me paraît important de célébrer cet héritage pédagogique et reconnaître à sa juste valeur la transmission du savoir. Afin que la danse de forme classique retrouve du sens et parle aux nouvelles générations ; savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va.

Discours de Gil Isoart, de l’Opéra national de Paris

Je suis très heureux d’être avec vous aujourd’hui et je remercie Katharine Kanter, la Société Auguste Vestris ainsi que la Ville de Paris de me permettre de témoigner à l’occasion de l’inauguration de la plaque commémorative en l’honneur de Mathilde Kchessinska. Il y a déjà quelques années j’avais présenté un bref historique au Centre du Marais lors d’une soirée de la Société consacrée à cette fameuse danseuse et personnalité unique par son caractère et sa destinée à une époque de l’histoire franco-russe.

D’après ce que j’ai pu entendre de mes professeurs, en particulier Sacha Kalioujny et Pierre Lacotte tous deux élèves d’une autre grande pédagogue Liubov Egorova, la relation entre les professeurs russes de cette époque et leurs élèves était très privilégiée et même très possessive, voire exclusive, demandant une entière disponibilité et fidélité à leur Maître.

J’ai eu la grande chance d’être passé par des relations précieuses similaires comme élève avec mes professeurs.

Ce que je percevais était l’importance du Lien, et je crois encore aujourd’hui tout d’abord à une sorte de reconnaissance intuitive réciproque entre un Maître et son élève qui permet une confiance et un dévouement de part et d’autre.

Violette Verdy me rappelait sans arrêt : « tu sais Gil, la plus grande difficulté pour un pédagogue c’est l’acceptation ou la non-acceptation de l’élève d’être corrigé. Est-il disponible à ce que tu souhaites lui transmettre, est-il disposé à entendre, à assimiler, expérimenter ta proposition. C’est aussi ce que lui avait enseigné George Balanchine. »

Entre un Maître et son élève à un niveau supérieur, en effet il se trouve cette reconnaissance immédiate de faire partie d’une même famille d’être, de porter une vision, un vibrato, une résonance commune…

Le dicton dit également : « Lorsque le disciple est prêt, le Maître apparaît. »

Il s’agit non seulement de corriger et d’enseigner la technique, de revenir sans arrêt aux fondamentaux pour parfaire et purifier l’exécution et l’esthétisme propres au Vocabulaire classique et considéré ; mieux encore de guider artistiquement dans une dimension d’évolution spirituelle et permettre à l’Artiste ainsi de réaliser sa mission en tant que témoin d’une Transcendance ou tout du moins d’une vision partagée au public.

Belle et heureuse démarche….

Que cet hommage rendu à Mathilde Kschessinska S.A.S. ( Son Altesse Sérénissime) La Princesse Romanovska-Krassinska, Prima Ballerina du Théâtre Impérial de St Petersbourg » honore la dévotion des Professeurs, la filiation des Maîtres à élèves qui ont porté la Danse à un Art Supérieur.

Remplis de Gratitude, faisons le vœu qu’il perdure à ce niveau …

Gil Isoart
Ex-soliste de l’Opéra de Paris
Etoile du Ballet de Nancy et de Lorraine
Professeur du Ballet de l’Opéra de Paris
Professeur du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris

Messages lus par les deux filles de Beryl Morina, élève de Kchessinska, lors de l’inauguration de la plaque

Rachel Hevesi
Je tiens d’abord à remercier Katharine et tous ceux qui ont contribué à la réalisation de cet événement. Mathilde Kchessinska et son école de danse ont toujours représenté quelque chose de presque mythique pour ma soeur Serena et moi. Au cours de notre enfance et adolescence, notre mère Beryl Morina nous a beaucoup parlé de ce qu’elle a vécu ici. La Princesse fut pour elle une inspiration tout au long de sa vie : quand elle était petite, quand on lui proposa de rejoindre les Ballets Russes et encore au cours de sa carrière à Londres pendant la guerre. Il y a quelques années, elle eut l’honneur et le plaisir de retourner à Paris et donner une Grande Leçon [au Centre de danse du Marais], une occasion qui lui permit de contribuer à garder vivant le souvenir de Mathilde Kchessinska. Beryl n’oublia jamais les enseignements qu’elle apprit auprès d’elle : à la veille de sa mort [en 2018], ma mère me montrait le port de bras né des Ballets Russes. Elle serait fière de savoir que l’héritage de son inspiratrice continue à être transmis et que son souvenir vit toujours parmi les jeunes danseurs d’aujourd’hui et grâce à cette plaque. Levons donc nos verres à Mathilde, Beryl et Therrell.

Original anglais
Thank you Katharine and everyone who have made today possible. Kchessinskaya and the studio has an almost mythical status for my sister Serena and me. Our mother, Beryl Morina, spoke of her life here many times as we grew up. The Princess inspired my mother when she was a child, when she was asked to join the Ballets Russes and through her career in London during the war. She was honoured and delighted to return a few years ago to give a master class and keep the Kchessinskaya flame burning. She never forgot what she learnt here ; the day before she died my mother showed me the port de bras Russian style. She would be proud to know that the legacy continues, through the young dancers of today and this plaque here. Let us raise a glass to Mathilde, Beryl and Therrell.

Serena Hevesi
Mathilde Kchessinska a inspiré Beryl pendant toute sa carrière de danseuse, et plus tard lorsqu’elle exerça comme enseignant, examinateur et écrivain. Kchessinska était célébrée pour sa connaissance d’une méthode et technique russes où il s’agit de transmettre une émotion et raconter une histoire plutôt que sur le lancer des jambes et les aspects gymniques. Beryl a retravaillé le curriculum du Ballet Association (NATD Syllabus) pour les enfants sur le socle formé par l’enseignement de Kchessinska. Son livre, Mime in Ballet, a conquis de nombreux lecteurs internationaux et est le fruit des leçons de Kchessinska. Ce livre représente le testament non seulement de notre mère, mais de Kchessinska.

Original anglais
Mathilde Kchessinska inspired Beryl during her ballerina career but also as a teacher, examiner and author. Kchessinskaya was known for her Russian method/technique where the emphasis is on the expression of emotion and storytelling rather than high kicks and gymnastics. Beryl rewrote her Ballet Association NATD Syllabus for children based on the teachings from Kchessinskaya. Beryl’s book Mime in Ballet is widely read by an international audience and is drawn directly from Kchessinskaya’s classes. That book is our mother’s legacy but also Kchessinskaya’s too.

Téléchargez la plaquette de l’évenement