Une Méthode centrée sur l’humain
par Muriel Valtat
19 mars 2016
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Londres, août 2014
Née à Paris, Muriel Valtat est ancienne First Soloist du Royal Ballet (Covent Garden) où elle danse tous les rôles principaux. Aujourd’hui professeur à l’Ecole supérieure de danse du Québec, elle a également collaboré à l’ouvrage de référence Mime in Ballet de Beryl Merina. En 2014, à l’âge de 47 ans, elle réussit l’Enrico Cecchetti Diploma puis enchaîne avec la première partie du documentaire dirigé par Julie Cronshaw à Londres ‘Principes sous-tendant les Six jours de la semaine d’Enrico Cecchetti’ d’où sont tirées ces observations. Le documentaire paraîtra à l’automne 2016, Cf. http://TheCecchettiConnection).
L’Enrico Cecchetti Diploma est un défi personnel que je me suis lancé. J’ai été première soliste du Royal Ballet, et c’est pour « boucler la boucle » : sa fondatrice Ninette de Valois était disciple de Cecchetti, son grand chorégraphe Ashton aussi, à travers Marie Rambert – ainsi que mon propre professeur, Yvonne Cartier ! En dansant le répertoire du Royal Ballet j’avais en quelque sorte « fait du Cecchetti sans le savoir ». J’ai souhaité le con-naître consciemment !
Pour moi, la méthode Cecchetti signifie avant tout respecter les lois de la physique pour ce qui est du corps humain, faire de la gravité son allié, être conscient de la ligne d’aplomb et des oppositions.
Il s’agit d’une méthode très correcte de point de vue anatomique. Sans levers de jambe, mais efficace ! Derrière chaque geste, il y a une raison ; chaque mouvement à la barre, par exemple, prépare le corps au milieu. Tout est progressif, logique, équilibré. Je le vois comme une méthode qui préserve l’intégrité du corps et confère au danseur une grande puissance, tout en veillant à l’équilibre des formes, au respect des lignes et à la dynamique ! Le danseur apprend à utiliser le poids du corps efficacement et à bien saisir la relation entre temps et transfert de poids !
D’autre part, et comme disait Yvonne Cartier « We mustn’t forget Steps » – tellement de pas sont passés à la trappe de nos jours. En travaillant pour l’Enrico Cecchetti Diploma, j’ai redécouvert des pas qui ont disparu des cours. Désormais professeur, j’ai bien l’intention de transmettre ce trésor aux élèves.
Muriel Valtat lors du tournage à Londres en 2014
(Ciché : George Massey)
Au cours de ma carrière j’ai été confrontée à plusieurs méthodes, notamment la RAD, et toutes sont enrichissantes. Cependant, plus je creuse la méthode Cecchetti, plus j’en vois non seulement la justesse anatomique, mais le potentiel artistique. Les exercices pour le Diploma sont hauts en couleur. J’aime à les comparer à des émotions, à des phrases que l’on prononcerait. Dans leur ressenti, tous sont différents, leur « couleur » aussi. Enracinés dans la culture populaire, ils sont centrés sur l’humain. En les dansant, on s’imagine dans une pièce remplie de gens, qui vous interpellent et à qui vous répondez. Tout frémit de vie. Avec cette image en tête, tout coule de source, comme dans une conversation délicieuse et parfaitement naturelle.
Ces exercices – et même les grands adages – rayonnent de la joie de danser, ou parfois, d’émotions qui seraient autres que la joie, un recueillement, ou quelque chose de plus lointain, peut-être un voile de nostalgie, une mélancolie, ou encore, l’amour du prochain… En plus d’une technique « tous azimuts », très cultivée et reposant sur un socle anatomique rationnel, j’y retrouve des émotions qui vont chercher au plus profond de l’être. Tout y est.