Introduction
par K.L. Harriet Kanter
18 octobre 2015
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« Il ne s’agit point de racler des instruments discords et qui sentent l’antiquaire, mais de restituer l’émotion authentique et l’excitation d’idées. »
Lorsqu’en 2005, Roger Tully appela de ses vœux une refondation de fond en comble des grands ballets et de la technique classique afin de les dégager des sédiments déposés depuis 1918, il ne pensait pas si bien dire. Il prit exemple sur la musique, c’est-à-dire le mouvement de retour aux instruments anciens et surtout de nettoyage des partitions dites « baroques » et « classiques », déformées par des éditeurs du XIXe siècle obnubilés par le romantisme.
Les pionniers furent deux interprètes révolutionnaires, qui placèrent l’oeuvre de Bach au coeur de leurs interrogations : Pablo Casals et Wanda Landowska, dont l’essai Sur l’interprétation des oeuvres de clavecin de Jean-Sébastien Bach en 1905 ouvrait une ère nouvelle.
Si la danse a toujours près d’un siècle de retard sur la musique, le parallèle entre ces observations du musicologue André Schaeffner en 1927 et les travaux scéniques de Vikharev, Burlaka, Fullington ou Ratmansky sur la notation Stépanov, pratiqués auprès du corps de ballet en vue du spectacle (plutôt que purement académiques), est d’une pertinence absolue :
« Ecole de Saint-Leu-la-Forêt : C’est déjà ainsi que l’on nomme l’école d’interprétation ouverte par Wanda Landowska... Parmi le vaste travail de spécialisation qui s’exerce dans le monde des études scientifiques, voici un nouveau lieu où, par une limitation de l’objet, ce dernier ne se prête que plus à être approfondi. C’est seulement à Bach et à Mozart, ou à leurs contemporains, que le secret de l’interprétation est demandé. Bach, Mozart, les clavecinistes français ou italiens devenant la base d’une nouvelle culture musicale. Et le mot de culture ne risque pas ici d’être pris dans un sens vague, mais avec tout ce qu’il sous-entend de technique, d’élargissement intellectuel et de valeur morale. Car ce qu’il y eut de plus remarquable à ces cours d’interprétation, ce fut… l’émotion authentique, l’excitation d’idées… dont les pâles et futiles concerts dits de musique ancienne ne pouvaient donner le moindre équivalent.
« C’est par le geste même dont Wanda Landowska brise avec l’ordinaire musicologie qu’elle nous en restitue une conception neuve, plus saine et féconde. Il ne s’agit point de racler des instruments discords et qui sentent l’antiquaire, mais d’interpréter Bach ou Mozart dans les seules conditions de pureté et d’intensité sonores. »
–André Schæffner, 1927
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Salle Beethoven, Centre de danse du Marais. © C. de Brosses/lebeaukal.fr
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