Cassa Pancho
Fondatrice, Ballet Black
16 mars 2014
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Londres, décembre 2013
Q/ Comment vous est venue l’idée de fonder Ballet Black ?
R/ Née à Londres, j’ai commencé à faire de la danse classique peu avant ma troisième année. J’ai fréquenté la Royal Academy of Dance (RAD) pendant un an. Après un grave accident au dos, j’ai dû arrêter de danser pendant deux ans, puis j’y suis retournée pour terminer mes études. Mon père vient de Trinidad et ma mère est Anglaise.
Ma dissertation de dernière année au RAD concernait le manque de danseuses classiques noires et anglaises. D’autre part, mon sujet principal était la chorégraphie et je voulais continuer. Ballet Black est né de mon souhait de lancer deux expériences : d’abord, créer un lieu où les professeurs seraient eux-mêmes noirs et où les danseurs noirs pouvaient venir se former, et éventuellement se produire sur scène, dans un environnement où ils ne seraient pas « le seul Noir » du studio. Deuxièmement, me permettre de faire de la chorégraphie. Les cours se sont transformés pour devenir la troupe qu’elle est aujourd’hui... Mais mes efforts chorégraphiques ne se sont pas poursuivis au-delà d’un seul ballet !
Créer une troupe à partir de zéro [en 2001 - ndlr] présente des défis à tous les niveaux. Au début, nous avons eu du mal à trouver suffisamment de danseurs classiques qui étaient d’origine noire ou asiatique puis c’est devenu plus facile. Nous ne recevons pas de subvention régulière ; il nous faut donc constamment aller trouver de l’argent. Dès que cela échoue, il faut tout repenser et tout adapter.
Q/ Sur votre Page d’Accueil, on lit : « Notre objectif est de voir un changement fondamental, par rapport au nombre de danseurs noirs et asiatiques présents dans les troupes “normales", ce qui rendra formidablement inutile Ballet Black. »Comment cela arrivera-t-il ?
R/ Il y a deux lignes stratégiques : d’abord, la troupe professionnelle est en tournée partout au Royaume-Uni (et depuis peu, à l’étranger également) ce qui donnera, j’espère, l’exemple et encouragera la montée d’une nouvelle génération d’enfants et de jeunes noirs et asiatiques. Notre Junior Ballet School dans les quartiers Ouest de Londres a environ 150 élèves ; les professeurs sont des danseurs de Ballet Black. Ainsi les enfants de toute origine se rendent compte que la couleur de peau n’a rien à voir avec la qualité de leur danse.
L’école, que j’ai fondée en 2002, est ouverte à tous, sans distinction aucune de race ou autre. Des enfants viennent de partout – même depuis le comté de Surrey. Et parmi les élèves, pas mal de garçons ! J’espère qu’à un moment donné, certains de ces enfants pourront se présenter à d’autres écoles à visée professionnelle, car pour le moment, Ballet Black n’a pas vocation à s’attacher une école professionnelle.
A Ballet Black, nous avons désormais huit danseurs, cinq maîtres de ballet, un Conseil d’Administration de cinq personnes, deux professeurs du Junior School, 500 élèves, et au moins trois chorégraphes invités par an. Tous les ans de très nombreux candidats se présentent. Je vise une troupe de seize danseurs.
Q/ Depuis vingt ans, nous vivons le grand retour d’un « look », d’un stéréotype physique extrême de la « ballerine ». Est-ce que cela représente un obstacle pour les danseuses de couleur ?
R/ Pour pouvoir faire de la danse classique on doit déjà posséder un certain type de corps. Or, beaucoup de danseurs noirs, blancs ou asiatiques possèdent précisément ce type de corps ; le contraire existe aussi. Personnellement, le « look » ne me concerne pas – j’engage un danseur sur la base de son talent, son niveau d’engagement et sa personnalité.
Tous les ballets de notre répertoire sont des œuvres originales, sur commande. Souvent ce sont les chorégraphes qui prennent l’initiative du contact, à moins que je n’aille trouver des gens dont le travail m’intéresse.
Nos danseurs viennent de partout dans le monde, raison pour laquelle nous avons préféré ne pas adopter une seule technique « maison », que ce soit RAD, Cecchetti etc. … Ce que nous recherchons, ce sont des danseurs qui dansent GRAND. Tout le reste dépend du travail d’orfèvre dans le studio.
Propos recueillis par la Société Auguste Vestris.
Site Web de Ballet Black : http://balletblack.co.uk/history
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