Auguste Vestris


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La révolte des accessoires

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16 juin 2012

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Certaines fonctions, pourtant très importantes, du regard bien dirigé tendent à être négligées, car elles sont en quelque sorte moins évidentes. La proprioception par exemple (…) qui est tributaire de stimuli divers, dont l’un est le regard lorsqu’il est bien dirigé. [Si] l’élève est pleinement attentif à ce domaine spécifique des capacités proprioceptives, il lui sera beaucoup plus aisé de maintenir une posture correcte naturellement, sans tension et sans effort musculaire inutile. (…) Lorsque les enfants – et surtout des jeunes garçons – grandissent rapidement et par à coups, il est essentiel de les encourager à consciemment modifier le niveau vers où ils dirigent le regard, afin qu’ils soient en mesure de modifier leur posture en conséquence.

(…) La focalisation du regard joue un rôle important dans l’acquisition d’une approche stylistique agréable et exempte d’afféterie. J’aime encourager mes élèves à s’imaginer en conversation, pour ainsi dire, avec le spectateur. Cela prête à leurs mouvements un aspect franc et énergique, un air de simplicité et d’ouverture. (…) Parfois, et notamment dans des temps d’adage ou des exercices de ports de bras, le danseur va initier le geste en regardant dans sa main. Il peut alors suivre du regard la voie que trace le bras au moment d’allonger la ligne en l’arabesque par exemple. Mais à cet instant, il devra en général regarder au-delà de la main et diriger son regard vers le monde extérieur. En effet, observer constamment ses propres membres peut créer une ambiance désagréable voire narcissique et comme imbue de soi-même.

Il y a aussi ce que l’on peut décrire comme un élément de prise de pouvoir (empowerment) inhérent dans l’utilisation consciente et délibérée du regard dirigé (…) Ainsi, le public va tout naturellement suivre la direction du regard de l’artiste (…) c’est au danseur de faire en sorte que le public regarde là où il l’aura décidé (…). Chaque modification subtile de la direction du regard s’accompagnera d’un léger changement d’orientation de la tête du danseur et c’est en grande mesure grâce à ce moyen que les fluctuations d’atmosphère ou bien les traits de caractère du personnage vont passer la rampe.

– Richard Glasstone, extraits de l’article « Eye Focus », dans The Dancing Times, janvier 2000

La tradition voulait que l’on enseignât aux jeunes élèves de tenir la main à la barre, d’une manière légèrement différente par rapport aux exercices du milieu (…). Si ces nuances (…) ne sont plus universellement respectées (…) dans le passé cependant les maîtres reconnus semblent avoir tous été d’accord – tout en enseignant des méthodes diverses et variées – qu’il fallait grouper les doigts d’une manière particulière pendant le travail à la barre, du moins, au début de l’apprentissage.

[Edouard] Espinosa * a décrit cet arrangement des doigts (…) dans son Elementary Syllabus and Technique of Operatic Dancing. Et il cite une longue liste de célèbres professeurs et danseurs. En dépit de légères différences d’une école à l’autre (…) l’accent était mis, en règle générale, sur un arrondi plus prononcé des deuxième et troisième doigts, le pouce reposant contre l’index.

Dessins de Randolph Schwabe (1885-1948)
pour le Manuel d’Enrico Cecchetti, commentaire par R. Glasstone.
1. « Manière traditionnelle de grouper les doigts lors des exercices à la barre ; cette pratique n’est plus universellement acceptée. »
2. « Manière de tenir la main dans les temps d’adage et d’allegro. Les doigts doivent être un peu plus ouverts, sans toutefois être séparés. »

Quant à Enrico Cecchetti, dans A Manual of Classical Theatrical Dancing (…) il décrit sa méthode, puis continue : « En tenant la main de cette manière lors des premiers exercices, l’élève arrive à facilement arrondir les doigts de sorte qu’ils ne pointent pas dans tous les sens, défaut qui (…) devient rapidement très difficile à éradiquer. » Que l’on adhère à sa théorie ou bien à une autre en ce qui concerne le groupement des doigts, le but de tout bon professeur doit être d’éviter toute tension dans les mains de ses élèves et de veiller à ce que leurs doigts ne soient pas rigides comme des piques.

[* Edouard Espinosa (1871-1950), fils du célèbre danseur Léon Espinosa (élève de l’Opéra). Edouard devint à son tour un maître illustre ; il fut parmi les fondateurs du Royal Academy of Dancing et du British Ballet Organisation. C’était le premier grand professeur de Ninette de Valois. Ndlr]

– Richard Glasstone, extraits de l’article « Some Thoughts on Hands », dans The Dancing Times, avril 1998