Auguste Vestris


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9 juillet 2011, onzième et dernière soirée : La Classe de Vestris

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Témoignage d’un jeune médecin
sur les Nuits Blanches du Centre de danse du Marais

9 juillet 2011

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Avoir assisté, comme je l’ai fait, à la plupart de ces Nuits Blanches organisées par la Société Auguste Vestris, impose des considérations particulières.

La première est de réaliser qu’entre Maître et élève le langage - à certains détails près - reste commun : alors que les élèves semblaient parfois en difficulté, le professeur expliquait qu’il y a cinquante ans ces exercices étaient quotidiens. En un demi-siècle le langage de la danse s’est bien appauvri !

Si la danse contemporaine peut s’enorgueillir de personnalités fortes qui créent un « style », celui-ci reste néanmoins dépendant de ces mêmes personnes, alors que la danse dite classique dépasse une personnalité ; les Maîtres, passeurs entre ce qui n’est plus et ce qui sera, ont, dans une humble soumission au savoir, démontré la diversité des « styles » classiques à des élèves attentifs à cette intemporalité. Il faut souligner aussi le respect du corps et la logique physiologique dans l’enseignement de ces Maîtres.

Au-delà du critère dit « artistique » qui peut être arbitraire c’est-à-dire affaire de goût personnel, ces leçons nous ont poussé à une réflexion sur la finalité de la danse : le corps a des possibilités d’expression qui ne sont pas tributaires de dons physiques relevant quasiment de l’anormal ou d’une apparence jugée « agréable ». A ce sujet, on remarque l’importance du placement juste, et qu’il faut toujours rectifier.

A partir d’une pensée, l’action se produit par un mouvement que l’on peut observer de manière infra millimétrique ; ainsi, une infime rotation dans la cavité articulaire de la hanche provoque un changement bien visible au niveau de la jambe. Cependant, pris à l’extrême – par exemple en levant la jambe à l’oreille – on quitte le physiologique pour se confronter au pathologique, comme ces êtres autrefois exhibés au cirque : l’interface entre fémur et hanche n’est plus assurée par le cartilage, mais par l’os, qui, frotté de manière répétitive, apporte son cortège inexorable de maux. En déviant ainsi la « mécanique » corporelle, on perd de vue ce qui fait mouvoir l’homme : l’impérieux besoin de communiquer aux autres son état profond, ses pensées, ses sentiments. Lors des Nuits Blanches, on a vu des professeurs ayant pas moins de cinq décennies de danse derrière eux, qui, grâce à une technique garantissant la longévité, font montre d’une vigueur que nombre de jeunes danseurs n’ont plus !

Le professeur Cartier en répétition au Centre de danse du Marais

Avec des apports venus de Russie, d’Angleterre, d’Italie, la danse française s’est développée dans un creuset artistique exceptionnel et ne demande qu’à retrouver son éclat. Travail de transmission, certes mais aussi support de refondation des racines historiques, les Nuits Blanches du Centre de danse du Marais, grâce à la vitalité de la jeunesse et la sagesse des anciens, sont un témoignage contre les dérives de « l’après-humain » et font vivre ce qui est à la base du geste dansé.

Dr. Ilan Attyasse
Paris, juin 2011