Auguste Vestris


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Un inventeur relève le défi : repenser le chausson de pointe
par Eliza Minden

2 avril 2011

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Aujourd’hui, des chaussures spécialisées au profil stylisé et incorporant des techniques de fabrication très avancées sont à la disposition de tous : sportifs et non-sportifs et ceci pour une infinité d’activités physiques. Étonnamment, le chausson de pointe n’a connu pratiquement aucune modernisation depuis plus d’un siècle quand toutes les autres formes de chaussons et de chaussures ont, elles, évolué. Jusqu’au milieu des années 1990, les chaussons de pointe sont essentiellement semblables à ce qui était disponible au début du 20ème siècle. J’ai trouvé cela incroyable. Les danseurs sont des athlètes de très haut niveau qui doivent exécuter des tours de force – des sauts impressionnants, des pirouettes éblouissantes, et des équilibres sans fin, ceci avec des chaussons bruyants et n’offrant que très peu de protection. Ces mêmes chaussons deviennent inutilisables presque immédiatement, souvent après un seul spectacle.

J’ai conçu la pointe Gaynor Minden afin que les danseuses, et par extension la Danse elle-même, puissent bénéficier des progrès scientifiques auxquelles les sportifs avaient déjà accès depuis longtemps.

Marie Taglioni et Antonio Guerra dans L’Ombre (1846)

La première chose à faire a été d’établir des objectifs clairs et de reconnaître quels étaient les obstacles auxquels j’allais faire face. Les objectifs : amortissement des chocs, augmentation de la durée de vie du chausson, confort accru, protection contre le frottement et les accidents, rendu plus facile de la technique, et réduction du bruit pendant le mouvement. Les contraintes furent principalement de nature esthétique : les danseuses n’étaient pas prêtes à accepter une avancée technique au dépens de l’apparence traditionnelle de leurs chaussons.

L’étape suivante a consisté à étudier la façon dont la pointe s’articule. Quel degré de soutien et quelle flexibilité sont demandés aux semelles intérieures et extérieures, à la boîte, à l’empeigne ? Est-ce que la semelle et la boîte peuvent être indépendantes ? Peuvent-elles aider la transition par la demi-pointe ou le relevé direct ? Affectent-elles l’alignement de la jambe ? Où doit-être placé le matériau d’absorption des chocs et où doit-on éviter à tout prix l’insertion de quoi que ce soit qui pourrait gêner soit l’esthétique, soit la fonctionnalité du chausson ?

J’ai créé une charte illustrant des formes de pieds et de corps variées, montrant les zones de flexibilité, la direction de la courbe de la semelle, et le degré d’absorption des chocs désiré.

J’ai analysé tous les chaussons disponibles sur le marché à l’époque, et j’ai trouvé que – presque sans exception – les types de matériau utilisés n’avaient pas évolué depuis le début des années 1900 : panneaux de fibres, toile de jute, papier, colle. J’en ai conclu qu’il était inutile de continuer dans la même direction en tentant d’améliorer ce qui existait déjà ; ces chaussons n’auraient pas une durée de vie plus longue et n’offriraient jamais une meilleure protection ; j’avais besoin de repenser complètement le concept.

Le matériau entrant dans la composition de la semelle et de la boîte doit être assez résistant pour soutenir le corps tout en étant assez souple pour supporter la pression exercée lors de centaines de milliers de relevés sur pointe ; ceci sans faiblir et sans se déformer. Il doit « rebondir », c’est à dire plier et revenir à sa forme originale instantanément. Imaginez quel problème serait une pointe qui plierait en demi-pointe mais ne se déplierait que lentement une fois sur pointe ! À plat, la danseuse doit pouvoir sentir le sol et ne pas rouler. En conséquence, le matériau, même très fin, doit rester performant. Rechercher et tester ces matériaux, ainsi que déterminer leur épaisseur et leurs courbes idéales, à été un des plus gros défis de la recherche.

La solution s’est avérée être un élastomère thermoplastique dont la formule fut déposée. Cet élastomère est de la même famille que les matériaux entrant dans la composition des palmes de natation. Il est moulé par injection afin de créer la boîte et la semelle ergonomique. Nous proposons 5 degrés de résistance pour répondre aux besoins de chaque danseuse.

En plus de la longévité, l’élastomère thermoplastique aide à promouvoir un alignement correct parce qu’il ne se déforme pas. Une boîte traditionnelle se trouve presque immédiatement déformée à l’emplacement du gros orteil ; en conséquence, la plateforme n’est plus homogène. Cela provoque un déplacement des forces avec mauvais alignement de la cheville qui, combiné avec la motion exercée lors du relevé devient responsable de nombreux accidents.

Sauter avec des chaussons de pointe peut être bruyant et douloureux, causant souvent des fractures de fatigue. L’absorption des impacts et du bruit est essentiel. Les recherches conduites par l’industrie de la chaussure de sport ont permis de développer d’excellents matériaux mais le seul que j’ai trouvé qui reste efficace à long terme avec une épaisseur variant de 1 à 4mm est la mousse cellulaire Poron®. Il y a 3 différents degrés de Poron dans une pointe Gaynor Minden. Le plus dense est placé à l’endroit où l’impact est le plus fort, c’est à dire à l’emplacement des plis dans une pointe traditionnelle. L’élimination de ces plis, a permis d’insérer à cet endroit critique le coussin absorbant. Un autre coussin de densité moyenne est posé sous le talon et un troisième, très fin, recouvre complètement l’intérieur du chausson, protégeant ainsi la plate-forme.

Pour l’extérieur du chausson, j’ai maintenu la tradition du satin rose ; néanmoins, la doublure incorpore un tissu moderne favorisant l’évacuation de l’humidité vers l’extérieur. La semelle est en daim.

La recherche et le développement du chausson ont pris huit ans, des douzaines de prototypes, des centaines de tests, et d’inombrables consultations avec des danseurs, des professeurs de danse, des experts en matériaux, des fabricants de chaussures et des médecins spécialisés dans la médecine de la danse. Des recherches médicales indépendantes ont confirmé que les pointes Gaynor Minden aident à promouvoir un alignement correct, sont stables, durables, et absorbent les chocs.

Elles ont été introduites sur le marché en 1993 et sont maintenant portées dans des compagnies de ballet du monde entier. Les pointes Gaynor Minden sont fabriquées aux Etats-Unis.