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30 mai 2010, sixième soirée : Liubov Egorova

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Liubov Nikolaïevna Egorova
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Liubov Nikolaïevna Egorova
par Elisabeth Hennebert

30 mai 2010

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Liubov Egorova est née en 1880 à Saint-Petersbourg. Diplômée le 1er mai 1898 de l’Ecole du Ballet impérial, elle entre au mois de juin au Théâtre Maryinskii directement comme coryphée, mais n’est promue étoile qu’en 1912 ou 1914 selon les sources. Elle interprète tout le répertoire avec une prédilection pour le rôle d’Odette-Odile dans Le Lac des Cygnes. Alors que tonnent les canonnades de la première Révolution russe de février 1917, elle épouse le Prince Nikita Troubetzkoï, capitaine de cavalerie affecté à la personne du Grand Duc Mikhaïl Mikhaïlovitch.

Liubov Egorova
Collection P. Lacotte

Mais il y a peu de bling-bling dans la vie d’Egorova. La Révolution bolchévique d’Octobre 1917 balaye tout un monde. La voici sur les chemins de l’exil avec son princier époux. Dès octobre 1920 et jusqu’à sa mort dans une grande précarité en 1972, son histoire est désormais celle d’une lutte pour la survie. Quand Diaghilev monte The Sleeping Princess à l’Alhambra de Londres en novembre 1921 puis à l’Opéra de Paris au printemps 1922, il choisit Egorova comme l’une des quatre étoiles qui s’imposent pour le rôle d’Aurore, son ultime triomphe scénique. Désormais il faut courir le cachet : outre de nombreux galas où elle danse jusqu’à la fin des années vingt, elle est maître de ballet pour Boris Kniazeff en 1929 et 1941 ainsi que pour le Théâtre du Ballet Russe d’Epstein en 1935. Elle fonde vers 1937 les éphémères Ballets de la Jeunesse avec lesquels elle part en tournée. Mais ce sont surtout ses cours de danse qui lui permettent de vivre. C’est sa seconde carrière, presque aussi longue et certainement d’aussi grande renommée que la première.

A Paris, à partir d’octobre 1920, au 82, rue de Sèvres elle enseigne aux côtés de deux anciens condisciples du Théâtre Maryinskii, Lydia Karpova et Théodore Wassilieff, avec qui elle se produit également en gala. Après l’intermède aux Ballets Russes de Diaghilev, le cours d’Egorova s’installe dans les combles de l’Olympia puis, après 1930, dans le Conservatoire Russe au 27, rue des Petits Hôtels (Place Lafayette). A partir des années 1940 elle trouve enfin son lieu, le fameux studio du 15, rue de la Rochefoucauld.

Dès le début, Egorova n’a pas de mal à trouver des élèves parmi les réfugiés russes qui la connaissent et l’admirent. Ce d’autant plus que les directeurs de compagnies viennent chez elle pour repérer des recrues. Des étoiles telles qu’Olga Spessivtseva ou Vera Nemtchinova viennent s’entraîner et Diaghilev lui envoie ses danseurs quand ils sont en tournée à Paris. Mais à la fin des années vingt, sa réputation pédagogique sort du cercle fermé de l’émigration russe et attire les premiers danseurs français de l’Opéra tels que Lycette Darsonval, Solange Schwarz, Geneviève Moulin voire des danseurs de tous horizons comme l’improbable Zelda Fitzgerald. L’engagement d’Olga Spessivtseva en 1924 mais surtout de Serge Lifar en 1929 par l’Opéra de Paris contribuent à la renomée des maîtres russes exilés. C’est ainsi que les très jeunes Janine Charrat ou Pierre Lacotte viennent se former chez Egorova dans les années quarante. Après la Guerre, l’excellence de son cours à Paris est connue de tout le milieu chorégraphique français voire international.

Le studio de la rue de la Rochefoucauld tel qu’il apparaît dans un court-métrage tourné en 1962 est peu rutilant mais l’enseignement dispensé par Egorova jusqu’à l’âge de 87 ans est la perle qui n’a pas besoin d’un bel écrin. La connaissance exacte de tous les rôles du répertoire russe et son excellente mémoire de professeur font de son studio un lieu où les artistes viennent chercher d’irremplaçables informations. Lycette Darsonval dit avoir appris d’Egorova à danser le Lac des Cygnes. Ghislaine Thesmar et Michaël Denard, sur les conseils de Pierre Lacotte, demandèrent à Madame Egorova de leur transmettre les pas de La Belle au Bois Dormant. Quant à Pierre Lacotte, il se décrit volontiers comme redevable à Egorova de tout le répertoire du Maryinskii qu’elle lui a patiemment montré et qui fut à l’origine de sa passion de restitution des chorégraphies d’origine.

Mai 2010

Elisabeth Hennebert (normalienne, agrégée d’histoire, auteur d’un doctorat sur les danseurs russes de Paris de 1917 à 1944 et d’un roman consacré aux Ballets Russes de Diaghilev : Chinchilla, paru chez Robert Laffont en 2004)

Entrée du studio de Liubov Egorova
15 rue de la Rochefoucauld, Paris IX
Dessin original de Francesco Maria Messina
mai 2010