Enrico Cecchetti
par Julie Cronshaw
20 février 2010
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Si des différences d’opinion entre pédagogues de la méthode Cecchetti peuvent parfois troubler la profession, les exercices du Maître italien demeurent d’une qualité chorégraphique telle qu’il ne s’agit aucunement d’une simple curiosité historique ou du respect dû à un pédagogue qui fut jusqu’à sa mort en 1928, le plus réputé du monde. Ses exercices posent en eux-mêmes la question du pourquoi, du « où », du lien étroit qui lie l’art à la science dans l’aspiration de la grande danse théâtrale à transmettre par le tangible, ce qui ne l’est pas.
Cecchetti avec Magda Cella et Gisella Caccialanza (1927)
Ce qui n’est pas matière à dispute est la continuité absolue des exercices tels que Cecchetti les a voulus, c’est à dire qu’il faille travailler de haut en bas, l’objectif étant l’unité du mouvement et une coordination fluide du corps entier.
L’on entend souvent dire de nos jours que le travail que donnait Cecchetti dans la Classe de Perfectionnement du Théâtre Maryinskii puis aux Ballets russes est « physiquement impossible ». Ne partageant pas cet avis, et déterminée à lever le voile de l’apparent « mystère » entourant ces principes, je décidai il y environ neuf ans de poursuivre mes recherches auprès du professeur Roger Tully. Peu à peu j’ai commencé à entrevoir comment utiliser la force de la gravité et le jeu des oppositions, si essentiels à la méthode d’Enrico Cecchetti mais si souvent négligés par nos contemporains dans la danse classique, et à voir que c’est en s’appuyant sur ces forces que le danseur génère le mouvement, sans faire appel à une tension ou une énergie superflues.
Il s’agit d’une manière de travailler prêtant au corps une plasticité qui devient la source du mouvement. Le corps apprend à s’incliner, à tourner sur des plans très divers, à danser sur un éventuel déséquilibre, ce qui exige une maîtrise poussée du principe de l’aplomb. J’ai commencé à appréhender comment le corps définit des contours et génère des formes qui s’impriment véritablement dans l’espace. L’épaulement est apparu comme un élément intrinsèque, fonctionnel, plutôt qu’un simple agrément esthétique, tandis que la musique elle-même dicte en quelque sorte, la dynamique et la « tonalité » d’un exercice dansant.
Ces principes occupant mon esprit et souhaitant partager avec les danseurs français ces enchaînements tant virtuoses qu’expressifs, je suis honorée de participer aux Nuits Blanches du Centre de danse du Marais.