Auguste Vestris


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L’enseignement de Nora Kiss
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22 mars 2010

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Sa vie, sa formation

Sur la carte d’identité française de Nora Kiss de 1948, on lit

« Eleonore Eugénie ADAMIANTZ dit ADAMOFF ».

Nora est née en 1908, probablement à Kislovodsk [1] Cependant un autre document donne son lieu de naissance comme la voisine Piatigorsk [2].

Son père, Choucha de surnom, était officier de l’Armée du Tsar, et après la Révolution resta en Russie, piégé par les événements. En 1917 il retourna à Bakou, et Nora ne le revit jamais. Mais lors de son mariage, il lui envoya un tapis caucasien (mécanique, car il n’avait plus les moyens de lui en envoyer un « vrai »). Elle l’aimait et l’admirait beaucoup.

Sa relation avec sa mère Tamara née Sarkissian était plus distante. Sœur du redoutable professeur de danse Madame Rousanne-Sarkissian, Tamara était actrice, et d’une beauté remarquable. Très indépendante, c’est l’une des premières femmes à posséder et à conduire elle-même une automobile. Tamara rencontra à Moscou un français, Théorore d’Erlanger, et l’épouse, puis part avec lui d’abord à Londres ensuite à Paris. Ils installent dans un hôtel particulier au 132 avenue de Villiers. C’est là où Tamara accueille le grand danseur Alexandre Volinine, qui allait devenir le professeur de sa sœur, de sa fille Nora, et de tant d’artistes russes et français.

Parmi ceux qui eurent sur Nora une grande influence artistique, elle citait en premier Alexander Volinine. C’est sans doute de lui qu’elle tenait sa science de la danse d’homme. Il n’expliquait rien disait-il, mais montrait juste, aussi souvent qu’il le fallait et d’une manière absolument splendide. Le cours était terriblement vivant, et l’élève savait qu’il participait à quelque chose de fondamental. Il y avait une âme. Le défaut qu’avait Volinine, défaut typique des « anciens », est qu’il donnait des corrections qui n’aidaient pas nécessairement l’élève spécifique qui se présentait devant lui. Ainsi, il pouvait s’écrier « attention, ton pied ! » alors que le problème venait du dos, etc.

Elle a aussi travaillé avec Carlotta Brianza et m’a dit que c’est à Rome, qu’elle a vu faire travailler particulièrement la batterie, notamment de voir de la lumière entre les jambes et non pas frotter la batterie mais l’ouvrir. Elle faisait aussi référence au travail de Harald Lander, et donnait souvent des pas de Bournonville dans son cours. Bournonville, disait-elle, savait comment tenir le dos dans le saut, et que c’est comme cela qu’il nous fallait sauter. Elle a aussi fait venir Toni Lander pour qu’elle nous fasse travailler.

Nora connaissait très bien Balanchine, et est allée plusieurs fois à New York le voir. A son sens, il n’avait rien inventé en termes de pas, mais avait su mettre en forme les pas du cours appris à Saint-Petersbourg. Son grand talent, disait-elle, est d’avoir utilisé les « défauts » des danseurs américains qui s’ils manquaient alors de tradition classique, avaient vitesse, énergie, sens du rythme et du groupe. Plusieurs fois Nora nous a emmené regarder ou prendre le cours au Ballet du Nord, que dirigeait alors Alfonso Cata, un de ses anciens élèves qui avait dansé chez Balanchine.

L’époux de Nora s’appelait en fait KISH et non Kiss, de prénom Ladislas. Il était peintre et metteur en scène de cinéma, de nationalité hongroise. Nora aussi avait un temps la nationalité hongroise, puis fut naturalisée française en 1950.

La première fois que j’ai vue Nora était dans le studio de Margareta Haïm. Nora m’y a vu travailler, et a suggéré que je vienne travailler également dans son studio. Le studio Wacker était déjà fermé et les cours avaient lieu rue Chaptal, dans le studio de Daniel Franck.

La Résistante

A une ou deux rares occasions, Nora m’a parlé de ses activités de Résistante pendant la Guerre. Lors de soirées mondaines dans les années 20 et 30 chez les d’Erlanger, elle fit la connaissance de personnes dont les enfants devaient par la suite la fréquenter en raison de la danse. Certains de ces jeunes ont rejoint la Résistance et mirent Nora en contact avec les services de renseignement américains. C’est à la demande de ces services semble-t-il, qu’elle quitta la France pour l’Italie vers 1940 pour y passer toute la guerre. Elle donnait des cours de danse dans un studio privé romain ainsi que chez elle, sur sa terrasse !

L’anatomie, la représentation mentale, la métaphore

Yves Casati a raison de dire que Mme Nora connaissait bien l’anatomie, qu’elle avait étudiée par elle-même dans des livres. Mais, me dit-elle, après avoir cherché à donner des corrections à l’aide de la seule anatomie, elle se rendit compte que le geste de l’élève se faisait court, sans amplitude, malaisé. C’est ainsi qu’elle en est venue à expliquer par la représentation mentale, en nous demandant par exemple de prêter attention aux sauteurs en hauteur : ceux-ci visualisent tous les pas qui précédent le saut, l’impulsion et la position en l’air pendant l’action.

Pour ce qui est du placement, Nora nous corrigeait fréquemment afin que nous nous tenions le plus droit possible et sans nous affaler. Il faut rentrer « nonos » - c’est ainsi qu’elle appelait le grand trochanter, extrémité de la tête du fémur, qui dépasse dans le creux de la fesse quand ce dernier n’est pas complètement monté et en dehors.

Dès que nous nous tenions sur une seule jambe et risquions de nous décaler par rapport à l’axe, afin de garder l’axe elle nous sommait de nous reposer sur la « troisième jambe » - qui aurait formé, avec celle au sol, notre point d’appui si elle n’était pas levée. Il fallait se tenir le plus haut possible sur la jambe de terre en appuyant très fort sur elle, comme si pour enfoncer une punaise. Parfois Nora se mettait à genoux et plaçait un doigt sous le chausson en disant, « vas-y ! Ecrase mon doigt » afin de montrer qu’il repousser le sol en s’appuyant fermement dessus.

Nora aimait enseigner à des élèves d’horizons différents et notamment à des sportifs. D’ailleurs elle suggérait de temps à autre que nous nous inspirions de tel ou tel geste en GRS, au tennis, en athlétisme surtout, et inversement, nous faisait remarquer les travers de certains sports pour la statique du corps.

Les positions « inavouables »

Nora nous disait qu’il existait pour certains pas des « positions inavouables ». C’était le cas notamment des brisés, pour lesquels le danseur est ni en quatrième face à la diagonale, ni à l’écarté, mais dans un entre-deux « inavouable ».

Bien souvent, et elle l’avait intégré à son enseignement, c’est une partie du corps qui ne semble pas impliquée dans le mouvement à laquelle il faille prêter attention. Ainsi dans les assemblés c’est la deuxième jambe qui vient rejoindre la première sur laquelle il faut se concentrer ; plutôt que de penser à la première jambe lancée, c’est le flanc du côté de la deuxième jambe qui initie la propulsion en avant.

Une astuce de Nora qui nous permettait de nous concentrer sur l’énergie du mouvement sans se coincer : nous chantions lors des pliés à la barre et parfois aussi, lors d’exercices difficiles où la crispation guettait. Plutôt que de gonfler le torse il nous fallait respirer avec l’amplitude au niveau des côtes du bas, dans le dos.

Nora cherchait une représentation du mouvement non pas musculaire, mais osseuse, le vrai travail ne conduisant pas à des gros muscles mais à des muscles fins, profonds et souples. En parlant de la colonne, il fallait non seulement penser aux os mais « mettre de la lumière » entre chaque vertèbre afin de ne pas tasser. En contre-exemple, elle indiquait les gros muscles ronds des danseuses du début du XXe siècle qui s’attachaient aux pieds des fers à repasser, en espérant qu’une fois ces derniers partis, la jambe se lèverait mieux. Il n’en était rien.

Autre exemple de son enseignement par la représentation mentale : comment lever la jambe en grand battement. D’abord bien appuyer vers le sol la jambe à lever, puis frotter le chausson sur le sol fortement pour enfin libérer d’un seul coup le mouvement, qui n’était plus dirigé que par le pied, comme si on voulait chasser, toucher ou propulser un papillon posé à l’extrémité du chausson.

Une fois le corps bien placé, l’esprit du danseur fait les choses. « La danse est un métier où il faut durer, préserve donc ton corps tout en y allant à fond » disait-elle, c’est-à-dire éviter de casser , l’instrument par ignorance et précipitation.

Sans effet de style ni travers d’école

Elle comprenait que le danseur doit être libre pour le chorégraphe, que la danse classique est un vocabulaire fondamental qui doit pouvoir servir à tout et non pas une chose ampoulée qui ne sert qu’à elle-même. Souvent elle nous accompagnait à la cinémathèque voir des vieux films de danse, afin que nous observions à quel point tant le style que la technique avaient évolués en un rien de temps. Nora ne coinçait pas l’apprentissage du pas dans des effets de style ou des travers d’école, mais expliquait toutes les manières dans lesquelles un pas pouvait être correctement exécuté. Ensuite le danseur doit s’investir à fond dans le style donné.

Nous sortions exaltés à son cours, l’esprit tout animé, car Nora y mettait beaucoup d’invention. Un jour austère, technique, le jour après, elle racontait une histoire, et pendant qu’elle racontait, il fallait que nous la dansions, que nous la vivions. Mais toujours très professionnelle – elle veillait au grain ! Et ne tolérait pas qu’elle-même ou ses élèves apportent leurs soucis du quotidien dans le studio. Parallèlement à la danse je menais des études de médecine ; même après une nuit blanche, Nora avait toujours le même niveau d’exigence : « Laisse tes soucis et ta fatigue au vestiaire, pas d’excuses ! Si tu es venu ici, c’est pour travailler et à fond » me disait-elle.

Pour ce qui est de la pédagogie, elle disait « N’invente pas une théorie. Essaie sur toi et si ça marche alors enseigne le aux autres ». Elle se méfiait beaucoup de toutes les théories pseudo scientifiques ou d’école qui risquaient de mettre à mal le corps des danseurs.

Pour Nora, le cours est l’instant où toute notre énergie doit être orientée vers la danse - danse conçue comme une fin en soi, dans une quête non pas mystique mais plutôt d’une logique intérieure, d’une vérité intrinsèque.

La barre n’était pas un simple échauffement. À peine le cours commencé il fallait danser, avec l’intention d’aboutir à une forme, à une énergie agréable pour le spectateur, car la danse est destinée à être vue. Aux élèves qui n’étaient pas dans cette démarche elle disait « tu ferais mieux de travailler à la Poste ». L’ambiance était donc très professionnelle, même pour les cours moins avancés.

Dans tous les exercices, il fallait aller à fond, avec intention ; Nora disait « il vaut mieux rater en cherchant à être juste que réussir avec un placement ou une intention fausse. Si tu te contentes de ‘réussir faux’, ta technique ne sera pas solide et tu ne sauras pas te corriger seul une fois sur scène ».

Les gradations du plié

Ne pas travailler son plié était une faute grave chez Nora. Pour nous montrer à quel point il devait être moelleux elle disait vous faites « Plié –ÉÉÉÉ… » : l’action de plier jamais ne devait être saccadée, mais permettre d’enchaîner avec la suite (un saut ou un relevé). Autant le plié doit être profond et progressif, autant le tendu doit être énergique. « On ne doit pas voir quand tu tends ton genou » nous disait-elle pour figurer la vitesse avec laquelle il fallait faire le relevé. La maîtrise du plié et de ses différentes gradations était certainement une pierre angulaire de son enseignement

Le bras, la main, le visage témoignent du dos

Très attentive aux bras, Nora ne supportait pas les poignets cassés, les doigts écartés ou le pouce relevé, car selon elle ces défauts témoignaient d’un mauvais placement du dos. Placer le dos, disait-elle, signifie placer les bras ainsi que les traits du visage. Souvent elle nous demandait de placer les mains face-à-face puis d’appuyer fortement les doigts d’une main contre ceux de l’autre, afin de contracter certains muscles latéraux du dos qu’il fallait tenir pendant tout l’exercice de port de bras, et plus généralement, pendant que nous dansions.

Dans les ports de bras et pour éviter que cela ne devienne de la gesticulation, elle utilisait des images comme « repousser l’eau » « sentez la résistance ! » Le bras n’est pas un appendice détaché du soutien du dos. Elle veillait aussi à ce que les coudes et les poignets soient correctement placés par rapport aux épaules.

Si quelqu’un sautait bien, Nora nous faisait remarquer à quel point - pour paraître si léger ! - il s’était appuyé fortement avec « tous ses kilos » sur le sol. La gravité, loin d’être un obstacle, est un atout. « Si tu étais en apesanteur, tu ne pourrais pas sauter » nous disait-elle. Le saut était aussi important que le plié, et c’était une partie du cours que nous aimions beaucoup parce qu’on se dépensait quoique nous le redoutions aussi : elle durait longtemps avec un fort risque d’enguirlandée !

Certains artistes connus ont pu prendre ombrage de ce que Nora pouvait corriger assidument un élève médiocre parce que celui-ci travaillait consciencieusement. A ses yeux, le canard méritait autant son temps et son attention que le cygne. Si certains s’en offusquaient, pour d’autres c’était l’occasion d’examiner avec encore plus de détermination un problème déjà « connu ».

Lors de stages où elle enseignait, Mme Nora s’intéressait aux cours des autres professeurs, y compris de contemporain et de jazz, car elle s’informait des exigences des chorégraphes de son temps – point de vue tout à fait moderne.

Nous devions danser grand. Nora prenait un tabouret, se tenait au milieu, et nous repoussait vers la circonférence pendant les manèges dès que nous nous mettions à rétrécir le parcours. « A Wacker, c’était petit et nous dansions GRAND » disait-elle. « Comment faîtes-vous pour danser si PETIT dans ce grand espace ? »

Responsabilité de l’artiste

Pour ce qui est de la responsabilité du danseur vis-à-vis du public et de son art, elle citait souvent Chaliapine. Toute jeune, elle tenait un rôle d’enfant dans un opéra où Chaliapine chantait le héros mourant - peut être était-ce Boris Godounov. La salle était en pleurs. Nora vit un figurant se déplacer inopinément et soudain, entendit Chaliapine souffler à un artiste sur le plateau, « va dire à X d’aller se replacer TOUT DE SUITE ou il entendra parler de moi ». L’artiste scénique se doit être présent pour l’œuvre d’art, sans laisser-aller, sans se complaire dans sa propre émotion.

Nora ne donnait pas de cours pour enfants, à proprement parler. Son « cœur de métier » étaient les adolescents voire les adultes qui acceptaient de se remettre en question.

Sa méthode, son énergie, sa générosité et son sens de justice (« si mon pire ennemi était devant moi et que je lui voyais un défaut, je ne pourrais m’empêcher de lui expliquer comment le corriger ») nous faisaient progresser rapidement, et surtout là où d’autres professeurs auraient découragé l’élève en raison soit de son retard d’apprentissage, soit de son absence de qualités physiques. Certains sont ainsi devenus danseurs en l’espace de quatre ou cinq ans, ce qui explique peut être le sentiment d’urgence que l’on éprouvait : on n’avait pas le temps d’attendre, il fallait y aller et non pas « se prélasser » comme elle disait parfois. Etre responsables et en mesure de travailler correctement, seuls, car, disait-elle, dans certaines compagnies le cours quotidien ne serait pas nécessairement excellent. « La danse est une grande chose, nous disait-elle, mais il ne faut pas l’abandonner car alors, c’est elle qui vous abandonne ».

Ainsi son cours était une école de la responsabilité, de la quête, du partage. Souvent, elle nous demandait de conseiller ou de corriger un autre élève. Pour nous faire acquérir un sens inné de rigueur et de justesse, elle pouvait soudainement arrêter toute la classe et s’écrier face à un tel ou un tel « Regarde ton pied (ton dos, tes mains, ton visage,…) dans la glace ! Qu’est-ce que tu vois ? En réalité, tu ne te regardes pas ».

En ce qui concerne la musicalité, elle voulait que nous sachions exactement où nous mettions les accents, y insistant encore et toujours avec ceux qui n’avaient pas une écoute précise. Tout en leur conseillant de travailler le rythme avec le pianiste, elle dépeignait l’impression visuelle qui correspondait au fait de mettre l’accent soit en haut, soit en bas. En général elle préférait l’accent en bas mais si rapide que cela pouvait donner l’impression d’être en haut. Elle nous disait que la musicalité réelle permet de danser ensemble plutôt que chacun à son propre tempo.

Finalement, elle voulait que nous soyons mentalement et physiquement prêt à danser, en état. En route pour un spectacle, elle était capable de demander que l’on arrête la voiture en rase campagne pour que nous fassions deux tours en l’air à l’instant même où nous descendions de voiture. Se rassembler vite, que le placement soit un automatisme et non pas un long aboutissement où il faille passer par toutes les étapes du cours, des pliés aux grands sauts.

Anecdote : une fois, à New York, Nora et moi voulions voir la comédie musicale CATS. Plus de places ! Nora me chuchota alors : « fais un double tour et ils nous laisseront peut être regarder depuis les coulisses ». Et ça a marché !

Rayonnement international

Certains jours on trouvait une majorité d’étoiles internationales dans son cours et aussi des chorégraphes, car elle enseignait beaucoup à l’étranger en été et ses élèves revenaient à Paris travailler - Marcia Haydée, Richard Cragun, Heinz Spoerli, Maguy Marin, Hideo Fukagawa, Guillermo Diaz, Mats Ek, Ana Laguna, beaucoup d’étoiles japonaises, des italiens, des portugais, et de nombreux danseurs des Ballets du XXe siècle (…) Ce n’était pas étonnant car Mme Nora avait enseigné pour Béjart au Théâtre de la Monnaie, deux jours par semaine, pendant de nombreuses années. Certain solistes venaient se ressourcer, d’autres travailler une difficulté particulière et Mme Nora les gardait après le cours. Et toujours en faisant preuve de beaucoup de tact face à un défaut : elle chuchotait quelque chose à l’oreille. Par contre, dès qu’un danseur excellait dans tel ou tel pas, elle le lui faisait faire en le mettant en valeur.

Nora était polyglotte, très à l’aise avec des gens de tous les continents, ce qui n’était peut être pas le cas de tous les professeurs officiant à Paris à son époque ! Elle admirait beaucoup certains danseurs de l’Opéra de Paris, notamment Jean Guizérix et son épouse Wilfrid Piollet.

Partout en France s’étendait un réseau de professeurs qui avaient été ses élèves, et qui revenaient à Paris travailler avec elle lorsqu’ils le pouvaient. Nora se faisait un devoir d’aller visiter leur école en province et d’assister aux spectacles qu’ils donnaient.

Propos recueillis par K.L. Kanter et M.J. Redont,
à Paris le 19 mars 2010


[1Ville d’eau du Nord du Caucase (elles sont cinq : Mineralnyé Vody, Jeleznovodsk, Piatigorsk, Essentouki et Kislovodsk, toutes situées sur le territoire de Stavropol).

[2Piatigorsk, où Lermontov, auteur d’Un Héros de Notre Temps, mourut en duel en 1841