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Entre les notes, la musique, entre les positions, la danse
Dans la même rubrique Une nouvelle perspective sur la danse en Angleterre - suggestions en vue des progrès attendus Audrey De Vos (1900-1983), à l’avant-garde de l’analyse du mouvement Libérer les élans et les forces Camper sur ses positions...! Sticking to one’s position? « La troisième position bien comprise amène l’élégance et la finesse » Ah ! la cinquième... Il ressent, plus qu’il ne voit
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Ah ! la cinquième...
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Isadora Duncan
Début du 20ème siècle |
Les pieds en cinquième ne sont pas seuls engagés dans cette position croisée : tout le reste du corps est impliqué dans cette aventure. Si nous remontons par les jambes jusqu’au bassin, nous constatons qu’en prenant conscience des muscles postérieurs de la jambe avant et des muscles antérieurs de la jambe arrière, la cinquième devient plus forte et active. Cette organisation arrive jusqu’au bassin que l’on souhaite stable et suspendu au dessus des membres inférieurs. En mettant de l’air dans l’articulation coxo-fémorale (ne pas s’écraser sur ses jambes, ne pas crisper l’articulation et sentir l’ischion suspendu) on facilite la rotation externe du fémur, suivie de celle du bas de jambe, qui est alors en harmonie totale avec l’en-dehors des pieds. Il faut constamment chercher à maintenir l’en-dehors depuis le bassin de façon que pied, tibia/péroné, fémur et bassin ne se livrent pas la guerre.
Une cinquième « épanouie » est une interaction entre le bon appui des pieds au sol, la rotation externe des jambes, le bassin, la cage et la tête.
La plante du pied va sans cesse envoyer des messages au reste du corps afin qu’il s’adapte autour de la colonne, autour du centre de gravité, même s’il est parfois délaissé pour la bonne cause de chorégraphes néo classiques ou contemporains. L’en-dehors de la cinquième se construit en faisant appel à la conscience que l’on a à sentir la résistance ou l’opposition qui s’établit entre les deux membres inférieurs et les deux ailes iliaques.
Continuons notre chemin jusqu’au buste. Celui-ci va être directement relié aux pieds. Avec la jambe droite devant, une ligne court entre le talon droit et la partie droite de la ceinture scapulaire, apportant une légère rotation dans la cage, le talon gauche étant relié à la partie gauche du haut du corps. Cette conscience va créer deux lignes qui se croisent au centre, mettant les deux côtés en relation. La cinquième position se diffuse par une spirale à travers le bassin, la cage, la tête, et devient alors une cinquième « épanouie » qui donne au danseur sa verticalité et prend tout son sens.
Gage de stabilité, une cinquième solide et « respirante » est le point de départ du temps d’adagio. Tous les éléments cités plus haut donneront à l’enchaînement vie et stabilité. Pour qu’elle vive, la cinquième peut être ressentie comme un passage qui dure, un recentrage, mais elle n’est ni une fin, ni un commencement en soi.
Dans le temps d’allegro, l’élasticité de la voûte plantaire donne force, moelleux et évite les blessures. La fermeture rapide d’un pied en cinquième ou l’atterrissage sur deux pieds toujours en cinquième offrent la dynamique nécessaire à l’envol et à la vitesse, permettent l’échange énergétique entre les pieds et le haut du corps. De là naîtront les épaulements.
Le corps réagit au moindre changement d’appui des pieds en cinquième. « Changer d’appuis, c’est être capable de laisser se modifier la Forme du corps en réaction à un changement de stimulus, à un changement d’état. » [1]
La troisième position s’impose dans l’enseignement aux débutants ; c’est l’antichambre de la cinquième. Elle permet de trouver son centre à partir d’une position sans risque et efficace. La cinquième de Cecchetti [2] a permis à des danseurs de faire une carrière professionnelle sans trahir pour autant la technique académique classique.
Comme le remarque le professeur Tully [3], la cinquième position est une innovation de la seule danse classique occidentale, et qui a nous a donné la batterie et la conquête des airs. Il importe que le danseur s’y sente bien. Dans une cinquième « épanouie », le bien-être que ressent le danseur dans des appuis justes va rayonner à travers tout son être et prêter vie à sa danse.
Octobre 2012
[1] Odile Rouquet, La tête aux pieds, éd. REM, 1991.
[2] La cinquième Cecchetti : la talon ne dépasse par la 1ère phalange du gros orteil de l’autre pied.
[3] Roger Tully, Prémices du geste dansant (The Song sings the Bird). Gremese, Rome 2009.